Juillet-Août 2025 ... DANIEL CORDIER

C'est Daniel Cordier (1920 - 2020) que j'ai choisi pour être la figure de proue de notre édition estivale. J'aime beaucoup l'image ci-dessus d'un presque centenaire, le regard lumineux, installé dans le désordre des livres et des objets d'art abstrait qu'il affectionne. Son idéalisme l'a poussé à rejoindre l'Angleterre en Juin 40 pour continuer la lutte. Son "rapport absolu à la vérité" l'a conduit à se plonger pendant vingt ans dans les archives pour défendre la mémoire de son chef, Jean Moulin. Jean Moulin qui l'a initié à Kandisky, à Picasso et Chirico, l'incitant à devenir un brillant collectionneur et galeriste après la guerre. "Pour chaque résistant, la Résistance demeure dans son souvenir comme une période unique, hétérogène à toute autre réalité, sans communication et incommunicable, presque un songe ..." écrivait Jean Cassou ("La Mémoire courte" 1953). Daniel Cordier parvient, lui, à démythifier cette époque en nous décrivant dans "Alias Caracalla" le quotidien harassant de l'agent clandestin qu'il a été, les conflits violents avec les mouvements de résistance, l'héroïsme invisible des coursiers et des radios. Il partage également son chemin intérieur, les rencontres et les événements qui ouvrent les yeux d'un jeune homme de vingt ans, issu d'un milieu très privilégié et fort de certitudes qui l'une après l'autre vacilleront. Suivra une autre incarnation de la Résistance dans la mémoire collective française, le film de Jean-Pierre Melville, "L'Armée des ombres". Nous retrouvons la grisaille des années 42-43 qui imprègne les mémoires de Daniel Cordier, ainsi que la lutte tragique livrée par des morts en sursis. Un film magistral et épuré, servi par des acteurs exceptionnels. Contrepoint étonnant, les photos en couleur prises à Paris pendant l'occupation par André Zucca pour le journal de propagande "Signal" : les Parisiennes sont toujours élégantes dans les rues d'un Paris esthétisé, hors du temps. Tous ces clichés ont été validés par la censure allemande mais leur valeur documentaire reste indéniable. Pour finir, nous conclurons avec un musicien qui réunit des qualités auxquelles Daniel Cordier accordait la plus grande importance : être anglais, amateur d'art et dandy. Bryan Ferry, dans un album peu connu au charme jazzy irrésistible, nous donne des chansons qui résonnent étrangement avec "Alias Caracalla". Bon été et rendez-vous en Septembre !