“La route sanglante du jardinier Blott” de Tom Sharpe (1978)

Lady Maud n’est pas heureuse dans son couple. Son époux, Sir Giles, n’a jamais consommé leur union et la dernière descendante de la lignée des Handyman désire ardemment un héritier. Sir Giles, membre du Parlement et qui se rend régulièrement à Londres pour des rendez-vous SM, sent l’étau se resserrer. Une seule issue lui apparait : provoquer un divorce et vendre le château pour assurer ses arrières. Comment ? En lançant un projet d’autoroute qui lui permettra d’empocher une belle prime d’expropriation. Mais c’est sans compter la résistance de la volcanique Lady Maud et de son jardinier énamouré, Blott, un ancien prisonnier de guerre allemand qui se fait passer pour italien depuis une trentaine d’années et qui voue à son Angleterre d’adoption une passion inconditionnelle. “La route sanglante du jardinier Blott” dynamite les codes de la bonne société des Midlands, réduit en miette les bureaucrates et les juges, dans un cocktail explosif d’auto-flagellation purement british et de farce shakespearienne. L’auteur de cette chronique rembourse quiconque ne rira pas à gorge déployée lors du dénouement final (qui prend son envol dans le dernier quart du récit … tout de même).

“Waugh et Wodehouse maniaient la rapière, moi, je travaille au coupe-coupe” précisait utilement Tom Sharpe (1928 – 2013). Il naît à Londres, reçoit une éducation rigide et étriquée (d’où le personnage de Sir Giles qui prend son pied en étant ligoté ?), étudie l’histoire et l’anthropologie à Cambridge (sa description des notables et de leurs travers est irrésistible) puis s’engage dans les Royales Marines (Sharpe affiche une maîtrise impressionnante du maniement des armes et des explosifs). Il s’exile ensuite en Afrique du Sud où il exerce différents métiers (là je ne dis rien car si je mentionne un lion, j’en dis déjà trop …). Il sera chassé dix années plus tard pour avoir monté une pièce anti-apartheid (ce type ne respecte rien). De retour en Angleterre, il écrira une quinzaine de romans qui lui apporteront une notoriété internationale. Victime d’un accident cardiaque, il décidera de se soigner en relisant chacun de ses livres. Quelle thérapie de choc !

Une note enfin sur la traduction d’une certaine “Laurence” dans l’édition française de 1992. Elle est excellente car je relis ce livre avec un plaisir à chaque fois renouvelé. En revanche, la traductrice ignore manifestement tout du Golf. Page 121, deux protagonistes se donnent rendez-vous au club house : “Autour de lui, des hommes costauds parlaient fort des doglegs du troisième trou et des hasards de l’eau pour le cinquième”. Passons sur le fait qu’il est rare de jouer un trou avec plusieurs virages (les fameux “doglegs”), a fortiori en début de parcours, mais il est difficile d’imaginer que la présence d’eau sur le parcours relève du hasard (les architectes sont suffisamment vicieux pour la placer au bon endroit). Un “Water Hazard” est tout simplement un piège d’eau. Quelques paragraphes plus loin : “Il sortit sur la terrasse et se pencha au-dessus de la rue. Il se trouvait au dix-huitième étage.” Mon petit doigt me dit que le personnage sort sur la terrasse qui domine … le dix-huitième trou … Un club house de dix-huit étages, même en Arizona, ils n’ont jamais osé ! For God’s sake!