“Alle prese con una verde Milonga” de Paolo Conte (1981)

Il se définit comme un homme du Nord de l’Italie par caractère – “des gens qui n’ont aucun sens de l’humour et pas d’imagination, mais générateurs de toutes les avant-gardes artistiques” -, souligne Véronique Mortaigne dans un portrait qu’elle lui consacre (le Monde du 22/09/08). La voix généreuse de Paolo Conte me fascine, ses accents rauques, son timbre éraillé, ses sautes dans la justesse ou ses relances râpeuses.

L’avocat milanais, né en 1937 à Asti, est devenu comédien-chanteur-auteur-compositeur à la fin des années 60. Il compose un tube pour Adriano Celentano, “Azzuro” (1969) et s’impose progressivement comme l’une des incarnations de la chanson italienne. Non sans mal, car il lui a fallu accepter l'”exhibitionnisme” que représente pour lui la scène. De là vient la grande sobriété de ses concerts, la surprenante économie de geste d’un Paolo calé le plus souvent derrière son piano. Il reste suffisamment de place pour qu’éclatent alors la variété de son répertoire et la richesse de ses textes.

La palette musicale de Paolo Conte part du “Jazz Age” des années 20, mélangeant les influences africaines et européennes, quand Earl Hines animait les “Speakeasy” et Fats Waller enflammait la piste de danse. Elle fait un détour par l’Amérique du Sud avec les Rumbas et les Milongas envoûtantes et finit naturellement avec la chanson italienne, plus particulièrement la Napolitaine. “Un modèle d’écriture” pour Conte. Les mélodies sont élégantes, dessinent une ambiance rétro, exotique ou crépusculaire. Le voyage est toujours au rendez-vous.

Quant à la prose de Paolo, elle nous laisse la saveur mélancolique des amours contrariés : “les rires des femmes me retombent sur la tête” (“Une giornata al mare”), “La liberté et des perles colorées / Voilà ce que je te donnerai / Et la sensualité des vies désespérées / Voilà le cadeau que je te ferai” (“Un gelato al Limon”). Les fulgurances poétiques ne sont jamais loin, qu’il s’agisse du “soleil, un éclair jaune sur le pare-brise” (“Genova”) ou bien encore “Parmi les ombres vertes d’un bow-window / Savourant une boisson parfumée au tamarin / L’homme qui n’a plus rien à inventer / Essaie de rêver, essaie de rêver / Et il goûte les instants et les étoiles” (“Blue Tangos”).

J’ai choisi “Alle prese con una verde Milonga” pour le concert du 20 Novembre 2011, sur une scène du Palais des Congrès enveloppée de vert, le temps suspendu et “ce Piémontais grave et lent, tout habillé gris sobre de distinguée nostalgie … Il dit le goût défait des curaçaos amers et des rumbas éteintes” (Pierre Desproges).

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