
Le 10 Février 1971, un hélicoptère est abattu au-dessus du Laos avec quatre photographes à son bord : Larry Burrows (Life – voir dans ce blog notre commentaire sur “Mutter Ridge, Nui Cay Tri, South Vietnam” de Larry Burrows – 1966), Kent Potter (UPI), Keisaburo Shimamoto (Newsweek) et Henri Huet (AP). Henri Huet est l’auteur de “An Thi, Janvier 1966”, une photo qui fera la Une de “Life” le 11 févier 1966 et recevra la “Robert Capa Medal” en avril de l’année suivante.
Henri Huet est né au Vietnam, à Dalat, le 14 avril 1927. Son père, conducteur de travaux a pu acquérir une plantation par l’entremise de son épouse, annamite. En 1933, le père scolarise ses enfants en Bretagne et c’est à Rennes qu’Henri Huet s’inscrira à l’Ecole des Beaux-Arts sitôt la guerre finie. Pour rejoindre son père au Vietnam, il s’engage dans l’armée française et rejoint l’Aéronavale en qualité de photographe. Revenu à la vie civile en 1954, il devient rapidement l’un des meilleurs photographes de presse de Saigon. Il est recruté en 1965 par United Press International (UPI), puis débauché la même année par l’agence rivale, Associated Press (AP), la plus ancienne et la plus importante agence de news au monde qui deviendra son alma mater.
Henri Huet fait partie des photographes de guerre qui suivent le principe posé par Robert Capa : être au plus près de l’action. “Quand une unité est prise sous le feu“, précisait-il, “il y a seulement deux personnes qui bougent. Le médecin et le photographe qui suit le médecin “. Avec des objectifs de 35mn, il peut rester à une distance de 6 à 7 mètres, se faire oublier et attendre le moment propice, “l’instant décisif” dirait Cartier-Bresson, pour déclencher. Cette capacité à se rendre invisible, il la doit, disent ses pairs, à sa connaissance du pays, à la relation de confiance qu’il sait établir avec ses sujets et à son comportement sur le terrain, attentif à ne mettre personne en danger.
Modeste, chaleureux, généreux, discret sont les qualificatifs que citent ceux qui ont croisé son chemin et que résume Horst Faas, le chef du service photo d’AP au Vietnam : “C’était un homme bienveillant. La compassion faisait partie de ses qualités et il savait la traduire en photographie” (dans “Henri Huet, j’étais photographe de guerre au Vietnam“).
Une compassion qui illumine “An Thi, Janvier 1966“. Le médecin Thomas Cole, la tête enserrée dans un bandage, prodigue ses soins au sergent Harrisson Pell. Comme l’analyse Hal Buell, un ancien directeur d’AP (dans “Henri Huet …”, précité), “Il est évident, lorsqu’on regarde les photos d’Henri, que celui-ci a une formation artistique (…) Il dépasse le furieux chaos de la guerre et introduit une dimension et une organisation qui font entrer le lecteur dans la scène, l’observateur dans la photo et ne laissent pas à l’extérieur“. Dans l’attitude des deux hommes, je vois la représentation classique d’une Pietà, Marie tenant sur ses genoux son fils Jésus-Christ au moment de la descente de croix. Un moment de profonde humanité qui n’est pas saisi dans le marbre mais via un objectif 35mn.
