“Like a Rolling Stone” de Bob Dylan (1965)

Bob Dylan est sur scène, avec son groupe. Le public siffle et les insultes fusent : « menteur ! … Rentre chez toi ! … Traître ! … Judas ! … ». Imperturbable, le chanteur lance les premiers accords de « Like a Rolling Stone » … en recommandant à ses musiciens de jouer fort.

Nous sommes en Angleterre au printemps de 1966 et la tournée se passe mal. Dylan a entamé son « virage électrique » avec le lancement de son album « Highway 61 ». Il abandonne le style folk et ne joue plus en solo.  Il adopte un son « rock » ou « pop » (ses détracteurs ne sont pas d’accord) avec l’ajout d’une batterie, de guitares électriques, d’un piano et d’un orgue.

En juillet 65, au festival de Newport, l’incompréhension était déjà totale. « Like a Rolling Stone », comme nous allons le voir, est une chanson sombre qui va à l’encontre des messages positifs du genre folk, du canon proclamé par Woody Guthrie et Pete Seeger. Comment Bob qui a porté des messages d’espoir, qui est devenu le porte-parole d’une génération, une conscience morale, peut-il bifurquer vers la chanson « non engagée », désabusée et osons le gros mot : « commerciale » ?

La réponse est donnée par Dylan dans un fascinant documentaire tourné par Martin Scorcese (« No Direction Home », 2005) : « un artiste doit rester en perpétuelle évolution … Je n’ai jamais cherché à me faire aimer». Joan Baez, qui a été sa compagne, résume : « Il ne voulait pas devenir ce que les gens voulaient qu’il soit ».

Quand il compose « Like a Rolling Stone”, Bob Dylan accouche d’une vingtaine de feuillets. « J’ai écrit cette chanson, cette histoire sentimentale … J’en ai fait un single … J’ai compris que c’était ce que je devais faire ». La durée de la chanson sera de six minutes, une durée excessivement longue pour l’époque. Le titre est tiré du proverbe bien connu (« pierre qui roule n’amasse pas mousse ») et inspiré d’une chanson de Hank Williams, « Lost Highway » (1949) dans laquelle il chante, « I’m a rolling stone, all alone and lost ». Aucun rapport avec Mick Jagger et consorts.

La chanson conte l’histoire d’une jeune fille célèbre qui se retrouve abandonnée de tous quand la gloire l’a quittée. Elle va devenir la métaphore des choix de vie, des changements d’existence et des risques qu’il faut prendre :

« How does it feel, How does it feel ?

To be without home

Like a complete unknown, like a rolling stone”.

Le son de la tournée anglaise de 1966 est horrible. Les organisateurs s’attendaient à une intimité folk, à des instruments acoustiques. Pour couvrir la batterie, Dylan et son groupe jouent à fond … et le public hurle sa désapprobation. Les musiciens sont pourtant excellents, avec notamment le guitariste Mike Bloomfield. Al Kooper, un autre guitariste du groupe, avait quitté son pupitre quand il avait découvert le talent de Bloomfield lors de l’enregistrement de l’album « Highway 61 ». Arrive la première prise de « Like a Rolling Stone » et il décide de convaincre le producteur de le laisser jouer de l’orgue. Ce dernier refuse car il subodore que Kooper n’est pas un spécialiste de cet instrument (ce qu’il reconnaîtra par la suite, « je savais à peine jouer »). Mais le producteur est appelé hors de la cabine et Kooper en profite pour revenir dans le studio et s’installer à l’orgue Hammond. « J’ai joué un demi temps derrière les autres pour vérifier que j’étais dans le bon accord » … Dylan insistera ensuite pour conserver cette prise, en demandant aux ingénieurs de monter l’orgue …

« Like a rolling stone » est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes chansons de l’histoire de la musique américaine.

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