Qui est le plus fort ? Qui soutient l’autre ?
Quand les Beatles se séparent, Paul McCartney (1942 – ) plonge. Le monde entier lui reproche d’avoir précipité la fin des “Fabulous Four”, comme s’il était le seul à porter la responsabilité de ce séisme. Pour ceux qui ont vu le documentaire passionnant de Peter Jackson, “Get Back” (2021 – ne pas hésiter à voir la version longue), il est évident que John était déjà ailleurs, que Georges voulait voler de ses propres ailes et que Ringo avait perdu l’espoir de recoller les morceaux. Paul va servir de bouc émissaire et sa mort va être annoncée (comprenez : sa disparition était pour lui le seul moyen d’expier son pêché mortel). Mais il est vivant. Il est en Ecosse.
C’est dans une ferme isolée, au milieu des chevaux et des moutons, que Paul, Linda et leurs deux filles ont fui, “loin de la foule déchaînée”. A 27 ans, McCartney doit se reconstruire, tirer un trait sur ses plus vieux potes et sur leur réussite planétaire, entamer une nouvelle vie. Alors il reprend une guitare et chante au coin du feu avec sa chérie. Puis, dans sa ferme, il aménage un studio de fortune et convoque pour démarrer quelque chose des musiciens quasi-inconnus. Les premières compositions nourriront un premier album intitulé “McCartney” (i.e. j’existe, je suis toujours là!), puis un second, “Ram” (qui signifie bélier, en hommage à l’environnement local et pour afficher une détermination retrouvée). Suivront “Wild Life”, “Red Rose Speedway” et le monumental “Band on the Run”.
Une BD formidable du dessinateur Hervé Bourhis (“Paul” , 2025) retrace “la résurrection de James Paul McCartney entre 1969 et 1973”, apportant un éclairage passionnant sur la plongée dépressive du chanteur, les rapports tendus entre les ex-Beatles, la naissance de “Wings” et les premiers concerts, l’enregistrement de “Band on the Run” à Lagos …
Je referme la porte de cette résurrection avec le sentiment qui étreint le personnage central de “Et rien d’autre” de James Salter (chroniqué ce mois-ci), dans les dernières pages du roman : “le temps était sans limites, tous ces matins, ces nuits, la vie qui l’attendait encore”.
Vous trouverez ci-dessous une sélection de sept chansons de Paul et Linda, puis de Wings, toutes enregistrées entre 1970 et 1971 (albums “McCartney”, “Ram” et “Wild Life”). En écoutant les paroles, vous comprendrez les étapes du rebond de Paul McCartney.
1- Maybe I’m Amazed : “Maybe I’m a lonely man who’s in the middle of something
That he doesn’t really understand” … le choc de la séparation
2- Every Night : “Every night I just wanna go out, get out of my head” … le souvenir des jours noirs …
3- That would be Something : “Meet you in the fallin’ rain”, le micro-climat écossais, toujours vivifiant
4- Ram On : Paul avait demandé à Linda de chanter avec lui et Elton John adora ses harmonies !
5- Dear Boy : “But her love came through and brought me round, got me up and about” … CQFD
6- Heart of the Country : “Smell the grass in the meadow” … et comment donc, cela vous donne une sacrée pêche !
7- Tomorrow : “Tomorrow, when we both abandon sorrow”, une belle déclaration d’amour finale