“Old Joy” de Kelly Reichardt (2006)

Kelly Reichardt (1964-), la réalisatrice de “Old Joy” (2006) et plus récemment de “First Cow” (2019) et de “Showing Up” (2022), est l’une des figures de proue du film indépendant américain. Contrairement aux grosses productions Hollywoodiennes et compte tenu de la modicité des budgets des films indépendants, la subtilité et l’ellipse sont de mise dans ses films et c’est tant mieux. Le talent de Kelly Reichardt est de partir d’une situation et de la développer, de la manière la plus réaliste possible et sans effets de mise en scène ou scénaristique.

La situation dans “Old Joy” est celle de deux vieux amis qui se sont perdus de vue et qui se retrouvent. Mark essaie de méditer dans son jardin. Sa compagne est sur le point d’accoucher, un oiseau gazouille sur un fil de téléphone et la voisine tond son gazon : qu’importe, il s’efforce de rester zen. Il est interrompu par l’appel de Kurt, un vieux copain, qui est de passage à Portland, Oregon, et qui lui propose d’aller se baigner dans une source d’eau chaude au plus profond de la forêt.

Les deux compères jettent leur équipement dans leur break et prennent la route. Ils devisent au fil de la route, la banalité de la discussion est au diapason de la banlieue qu’ils traversent ( des pavillons sans intérêt, des friches industrielles) et de la radio qui commente la politique de G.W. Bush. Arrivés dans la forêt, ils peinent à trouver leur chemin et finissent par planter leur tente au milieu de ce qui ressemble à une décharge. Pas facile de se perdre dans la nature sauvage au début du XXI ème siècle : comme le dit l’un des protagonistes, “les déchets sont dans la forêt et les arbres dans la ville”.

Ce qui fait le charme de ce film, c’est tout d’abord le fil ténu de l’amitié que les deux hommes essaient de maintenir : ils se voient moins souvent et leurs vies prennent des directions opposées. Ils évitent soigneusement les motifs de discorde et préfèrent partager simplement le plaisir de marcher dans une forêt envoûtante, baignée dans un climat océanique. La découverte de la source d’eau chaude permet aux deux amis de se retrouver dans un moment de lâcher-prise, chacun allongé dans une baignoire d’eau brûlante, retrouvailles peut-être éphémères.

C’est ensuite le cadre dans lequel le film s’inscrit. L’Oregon est un état à part, qui ne ressemble en rien au reste des Etats-Unis. Là-bas, le plaisir passe par les ballades en forêt ou le long de la côte, les plats que l’on cuisine et les jardins où l’on fait pousser des légumes, le bon vin et le joint que l’on fait passer. Cette atmosphère décontractée contrebalance le ton mélancolique de ce petit film qui ne dit pas grand chose mais suggère beaucoup.

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