
Dès le premier couplet, Randy n’y va pas par quatre chemins : ” Personne ne nous aime, je ne sais pas pourquoi, nous ne sommes peut-être pas parfaits mais Dieu sait que nous essayons, et partout, même nos anciens amis nous rabaissent, alors laissons tomber la Grosse (Bombe) et voyons ce qui se passe …”
Nous sommes en 1972, l’Amérique affronte la contre-culture et s’embourbe au Vietnam. Mais cette chanson ironique résonne aujourd’hui étrangement avec les 100 premiers jours de qui vous savez … Allons un peu plus loin : “On leur donne de l’argent, ils ne nous respectent pas, alors surprenons-les ...” Pourquoi tant d’acrimonie ? ” L’Asie est surpeuplée, l’Europe est trop vieille, L’Afrique est beaucoup trop chaude et le Canada trop froid”. Bon, s’agissant du Canada, il semblerait que le climat rigoureux ne soit plus un obstacle incontournable. Mais pour les autres, la messe est dite : “Laissons tomber the Big One, il n’y aura plus personne pour nous blâmer (…) Davantage de place pour toi, davantage de place pour moi, et chaque ville dans le monde entier, ne sera qu’une autre ville américaine … Oh, comme ce sera paisible”. Et Newman de conclure : “Ils nous détestent de toute façon“.
Savoureux, non ? Mais attention, Randy Newman (1943 – ) n’est pas le prototype du chanteur engagé. Dernier maillon d’une lignée de compositeurs de musiques de film, il enchaîne les tubes avec Hollywood depuis plus de 30 ans (Toy Story, Monsters, …). Disney-Pixar a juste donné un coup d’accélérateur à une réussite déjà établie avec des hits comme “You can leave your hat on” (1972), “Short People” (1977) ou “I love L.A.” (1983). “C’est l’argent que j’aime” clamait-il dans un album en 1979 avant de compléter en 1988 : “C’est l’argent qui compte aux U.S. ” On ne saurait être plus clair.
Il y a aussi un Randy Newman moins connu que je vous recommande, c’est celui qui se souvient du gamin exilé jusqu’à son adolescence en Louisiane (“Dixie Flyer“) et qui prend la défense de l’Etat qui l’a accueilli (“Louisiana 1927”), qui se raccroche aux moments de bonheur passé et partage ses faiblesses, ses amours perdus. L’ironie s’efface derrière une voix qui gagne en épaisseur, son jeu au piano le rapproche du grand Ray Charles. La mélopée de “Rosemary” me fait penser à Abdullah Ibrahim, “Baltimore” à Bruce Springsteen. Et si vous ne deviez découvrir qu’un morceau, vous écouterez “Jolly Coopers on Parade” et succomberez à sa nostalgie proustienne. Un joyau.
Et si vous n’avez pas Spotify :
1- Political Sciences (1972)
2- Jolly Coopers on Parade (1977)
3- Dixie Flyer (1988)
4- Falling in Love (1988)
5- Rosemary (1970)
6- Dayton, Ohio – 1903 (1972)
7- Louisiana 1927 (1974)
8- Baltimore (1977)
9- You Can’t Fool the Fat Man (1977)
10- Shame (1998)