Dans “Twelve O’Clock High” (“Un Homme de Fer” ), Gregory Peck incarne un commandant de groupe de bombardier B17 basé en Angleterre en 1942. Il remplace un officier jugé trop proche de ses hommes et affecté par les pertes des dernières missions. Peck va s’efforcer d’imprimer son leadership en imposant une discipline stricte, condition nécessaire d’après lui pour réussir des bombardements de plein jour et à faible altitude au-dessus de l’Allemagne.
Henry King (1886 – 1982), dinosaure d’Hollywood et pilier de la Fox, débuta comme acteur de cinéma muet puis devint un réalisateur prolifique avec 116 films à son actif. Il tourna avec Gregory Peck deux films en noir et blanc que je trouve excellents : “Twelve O’Clok High” en 1949 et un western, “Gunfighter“, l’année suivante. Il est possible de trouver des traits communs à ces deux films : sobriété de la réalisation et souci de l’authenticité, noblesse des personnages et rudesse de la vie qui n’épargne personne. Dans “Twelve O’Clok High“, le personnage interprété par Peck essaie en vain de trouver un juste milieu entre l’intransigeance qui tirera ses hommes vers le haut et une compassion naturelle qui le rend vulnérable.
Le film met également l’accent sur le stress des équipages. Pour la période 1942-43 couverte par le film, le taux de perte relatif à une mission de bombardement effectuée par l’US Air Force sur l’Allemagne pouvait dépasser les 10%. Chaque aviateur devant effectuer de 20 à 30 missions, la probabilité de ne pas revenir augmentait rapidement … Les attaques des chasseurs allemands, la défense anti-aérienne et les mauvaises conditions atmosphériques causaient une telle hécatombe que l’on parla d’une “boucherie aérienne”. Et quand ils parvenaient à sauter en parachute d’un avion en perdition, les aviateurs couraient le risque d’être lynchés par des civils allemands ( Claire Andrieu, “Tombés du ciel” – 2021).
Je pense à James Stewart (1908 – 1997) et à son premier rôle après la guerre qu’il avait effectuée comme pilote de bombardier. Dans “la vie est belle” (1946) de Frank Capra, il apparait amaigri, blanchi, décharné, très différent du journaliste post-adolescent et dégingandé qu’il incarnait dans “Indiscrétions” de George Cukor (1940). Les 20 missions effectuées au-dessus de l’Allemagne l’avaient vieilli prématurément (comme le développe un livre de Robert Matzen, “Mission, Jimmy Stewart and the fight for Europe” – 2016). Il souffrait de stress post-traumatique, à l’image du personnage joué par Gregory Peck dans “Un Homme de Fer”. Il s’interrogeait sur la vanité du métier de comédien au regard des expériences qu’il avait vécues, il revivait les deux fois où il avait failli être abattu et il pensait à ses compagnons disparus. Lionel Barrymore, qui jouait avec lui sur le film de Capra, trouva les mots justes : “Ne vaut-il pas mieux divertir les gens que de leur jeter des bombes ?”