“Une saison blanche et sèche” d’André Brink (1976 – 1979)

Le 23 mai 1980, Bernard Pivot reçoit un écrivain sud-africain, André Brink (1935 – 2015), pour la sortie de son cinquième roman, “Une saison blanche et sèche” (ce numéro d'”Apostrophes” est disponible sur Youtube). L’auteur confie avoir interrompu pendant un an la rédaction de ce livre, tellement la mort du leader noir Steve Biko en 1976 l’avait bouleversé. Il revient à plusieurs reprises sur la nécessité pour la littérature d’être engagée. En 1980, la politique de l’apartheid assoit la domination de la petite minorité blanche issue de la colonisation et opprime l’immense majorité noire. André Brink mentionne que son roman est interdit par les autorités sud-africaines, après la sortie d’un premier tirage de 2000 exemplaires qui vont devoir circuler sous le manteau …

“Une saison blanche et sèche” a aujourd’hui acquis une renommée internationale. Ce roman fascinant décrit la destruction progressive et inéluctable de Ben du Toit, enseignant blanc d’origine afrikaner qui décide d’enquêter sur la mort du jardinier noir de son école. A chaque étape de son enquête, il s’aliène un peu plus ceux qui l’entourent et subit les intimidations de la police politique. Pourtant, Ben n’est pas un leader, c’est même un professeur paisible qui trouve dans la menuiserie un passe-temps agréable. Pourquoi s’engage-t-il ? Pourquoi va-t-il remettre en cause l’ordre établi, ses dénis et ses zones d’ombre, son confort personnel ? Il l’explique dans son journal : “Si j’agis, je ne peux que perdre. Mais si je n’agis pas, c’est une défaite différente, tout aussi décisive, peut-être pire. Parce qu’à ce moment-là, je n’aurais plus ma conscience à moi“. Gordon, le jardinier disparu n’était pas son ami, il entretenait juste des relations cordiales avec lui : “c’était une personne très ordinaire. Comme moi, comme n’importe qui d’autre (…). Tout le problème est là.”

Ben va partager ses interrogations avec le révérend de sa paroisse. En vain . Il lui reste à trouver les réponses seul : “je me suis souvent demandé si là n’était pas la véritable signification de la foi. Savoir, savoir au nom de Dieu, que vous n’avez pas d’autre choix que celui de faire ce que vous faîtes. Et d’en prendre la responsabilité.”

Et de conclure : “J’ai le sentiment que chaque homme possède en lui quelque chose auquel il est “destiné”, quelque chose que personne d’autre que lui ne peut faire. Alors, c’est une question de découverte. Certains le découvrent très tôt, d’autres mettent un temps fou. D’autres encore apprennent la patience et se préparent pour le jour où, brusquement, ils le reconnaîtront (…) L’essentiel est d’être prêt quand le moment arrive.”

Pour Ben et pour André Brink, il s’agissait de dire non à l’apartheid, non à l’arbitraire.